Une crise profonde des démocraties libérales
Plus de 25 ans après la théorie de la "fin de l'histoire" de Fukuyama, affirmant que la fin de la guerre froide marquait la victoire idéologique de la démocratie libérale, nous faisons face à une toute autre réalité, celle d’une crise profonde des démocraties libérales, incertaines quant à leur avenir.
En octobre, la Brookings Institution, un grand think tank américain, publiait son rapport annuel sur l’Etat de droit et pour la cinquième année consécutive, le constat est amer : l’état de droit est en recul partout dans le monde.
Non seulement les fractures existent mais elles sont exacerbées par l'offensive d’ennemis autocrates contre nos démocraties, finançant tour à tour partis populistes, mouvements extrémistes et fake news sur les réseaux sociaux. C’est le cas de la Russie, du Qatar, de la Chine ou de la Turquie par exemple.
Le résultats sont visibles : l’assaut du 6 janvier du Capitol Hill, les succès électoraux successifs de partis populistes en Europe, l’islamisme grandissant au sein des sociétés européennes, l’explosion de l’antisémitisme bien sûr.
Sur le plan géopolitique aussi les conséquences sont évidentes : la guerre illégale et terroriste menée par la Russie contre l’Ukraine, les menaces de la Chine contre Taïwan, la prolifération nucléaire de la République islamique d’Iran et le danger que cela représente pour les pays du Golf et bien sûr pour Israël - la fin de l’histoire annoncée par Fukuyama est loin d’être à l'ordre du jour.
Mais ces derniers mois, une autre réalité a émergé, celle inspirée tout d’abord par le courage du peuple ukrainien, par la bravoure de l'esprit humain. La lutte des Ukrainiens pour la liberté a révélé à la fois la vacuité du pouvoir de Poutine et la force des combattants pour la liberté.
Comme l’a affirmé le grand joueur d’échecs et opposant Garry Kasparov dans un entretien que j’ai mené avec lui pour Franc Tireur, d’autres combattants pour la liberté s’y inspireront.
C’est aujourd’hui le cas des manifestants iraniens, qui après la mort de Mahsa Amini risquent leur vie tous les jours depuis presque 11 semaines pour s’opposer au régime de Mollah et crier « femmes, vie, liberté ».
Et c’est même le cas en Chine, où entraîné par des manifestants ouïghours martyrisés, des jeunes chinois ont pris les rues pour manifester contre les restrictions imposées par le gouvernement de Xi.
Pour l'Occident, et pour les peuples libres du monde entier, ce moment est unique et peut-être presque une opportunité. Pendant trop longtemps nous avons pensé que la démocratie était acquise. La démocratie est, comme disait Winston Churchill, peut-être la pire forme de gouvernement, mais à l'exclusion de toutes les autres! C’est pourquoi elle doit être défendue en permanence.
C’est aussi un rappel que notre soutien pour les combattants de la liberté est non seulement pour eux mais aussi pour notre propre âme. C’est pourquoi nous avons une obligation de soutenir les ukrainiens tout d’abord, en leur assurant une aide militaire permanente qui les mènera à la victoire. Les manifestants iraniens ensuite ainsi que les opposants en exil, en imposant des sanctions lourdes contre le régime; en expulsant la république islamique de toutes les instances internationales et en facilitant le flux d'informations vers les iraniens . Et dans le cas de la Chine, cela signifie d’évaluer nos relations commerciales et diplomatiques à la lumière du traitement qu'elle réserve à son peuple.
La démocratie et l'État de droit peuvent à nouveau s'élever. Mais elles ne le feront que si les puissances occidentales se rappellent qu’ils doivent se mobiliser, à l'intérieur et l’extérieur.