Radio J : La chronique hebdo de Simone Rodan-Benzaquen dans le Grand Journal du 1er avril 2022. Thème : "Une nouvelle présidente très controversée à la tête du National Union of Students en Angleterre"
Nous avons l’habitude de nous poser des questions sur la jeunesse. Alors qu’on pourrait la croire ouverte au monde et habitée par le doute, elle est pourtant souvent plus prône à se radicaliser, à se renfermer sur l’identité et aussi à voter pour les partis extrêmes. Les jeunes semblent tentés à la fois par les transgressions horizontales et verticales, c'est -à-dire à la fois par les idéologies séculières et religieuses.
Cela se reflète d’ailleurs aussi au niveau des organisations étudiantes. On se souvient de la polémique de l’UNEF qui avait organisé des réunions non mixtes interdites aux étudiants blancs. Et ce phénomène n’est pas propre à la France.
On sait depuis longtemps que notamment l’antisionisme est un fléau sur les campus anglo-saxons. A titre d’exemple, il y a quelques mois seulement - et j’en avais parlé sur cette antenne - l’ambassadrice d’Israël au Royaume-Uni avait dû être évacuée d’une réunion publique à la London School of Economics pour se mettre à l’abri suite à un déferlement de violence contre elle.
Mais nous avons encore franchi un pas supplémentaire dans l’absurde cette semaine et je vous promets que ce que je vais vous raconter, n’est malheureusement pas un poisson d’avril. Le NUS, l’équivalent de l’UNEF, une confédération des syndicats étudiants qui représente environ 600 syndicats de l'enseignement supérieur au Royaume Unis, vient d’élire sa nouvelle présidente, une certaine Shaima Dallali.
Son élection a provoqué l’inquiétude de nombreuses associations, y compris juives. Et pour cause: la première polémique est apparue pendant la campagne, quand il a été révélé que Dallali avait tweeté en 2012 : "Khaybar Khaybar O Juifs ... l'armée de Muhammed reviendra #Gaza", en référence à un massacre de Juifs en l'an 628.
Elle s’est excusée pendant la campagne, expliquant que cela avait été une erreur de jeunesse. Mais il semblerait que le problème va bien plus loin, comme l’a révélé cette semaine le Jewish Chronicle, et tenez vous prêts: la liste des griefs est longue.
Commençons par le premier: en 2017 Dallali a qualifié un imam qui avait osé critiquer le Hamas de "sale sioniste".
Dans un article de 2018, Dalali avait chanté les louanges du prédicateur des Frères musulmans Yusuf al-Qaradawi - prédicateur qui s’était pris dans un sermon en 2008 aux Juifs, appelant notamment Dieu à "les tuer, jusqu'au dernier" et qui avait été expulsé de Grande-Bretagne, des États-Unis, de France et d'Allemagne. Dallali l’avait pourtant qualifié de "boussole morale pour la communauté musulmane dans son ensemble".
En avril 2020, Mme Dallali avait écrit que pour le Ramadan, elle collecterait des fonds pour Cage, un groupe islamiste qui avait défrayé les chroniques, notamment en 2015 lorsque son directeur de recherche avait salué le célèbre terroriste de Daech Jihadi John comme un "beau jeune homme" qui était "extrêmement gentil et doux".
En 2017, Europal organisait un voyage aux Communes pour le prédicateur Sheikh Ekrima Sabri, qui a rejeté la Shoah comme un "conte de fées exploité par Israël pour capter la solidarité internationale". L’année suivante, Dallali a été chef de projet pour…vous allez le deviner… Europal.
L'Union des étudiants juifs britanniques (UJS), exprimant son inquiétude, a finalement demandé une réunion avec Mme Dallali, tandis que Labour Against Antisemitism a averti que "le racisme anti-juif au sein de la NUS est en train de devenir incontrôlable", ajoutant que le financement public devrait être coupé à moins d'un changement profond.
A la demande de l’UJS, Dalali a répondu qu'elle serait "ravie" de les rencontrer dès sa prise de fonctions et qu'elle "écouterait les préoccupations de tous les étudiants, y compris juifs".
Quand on sait que dans le passé, elle a fréquemment qualifié ces même étudiants juifs « d’organisation de la honte » puis lancé des #FreePalestine en réponse à leurs tweets appelant pourtant à la paix, on ne peut que craindre que le dialogue - s’il a vraiment lieu- s'avère compliqué.
L’élection de Mme Dallali ne peut que nous conforter dans l’idée qu’il faut, par tout moyen, contrer la radicalisation et les discours de haine chez les jeunes et se montrer ferme, notamment dans les universités. La jeunesse est notre avenir et les universités des lieux de débat et de savoir. Nous ne pouvons tolérer qu’elles dérivent ainsi, ni en Angleterre, ni en France, ni ailleurs.