Radiographie de l'antisémitisme en France - Édition 2024

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

AJC par l’IFOP

L’explosion d’actes antisémites dans le contexte du conflit entre Israël et le Hamas met en exergue ce qui constitue encore aujourd’hui "l’angle mort" du phénomène antisémite en France – la haine des juifs activée par la haine d’Israël. Les résultats de notre enquête démontrent que ce véhicule haineux, qualifiés par certains de "nouvel antisémitisme" est aujourd’hui au cœur de l’expérience antisémite des Français juifs, qu’il est identifié comme la source principale de l’antisémitisme par une majorité des Français, tout en étant encore peu, mal ou incompris par les Français, en particulier chez les jeunes. À l’heure du monde post-7 octobre où l’on a vu dès les lendemains du "plus grand massacre de juifs depuis la Seconde guerre mondiale" (déclaration du président Emmanuel Macron) en Israël, le déferlement d’une passion antisémite à travers le monde, les débats que l’on a pu avoir par le passé sur "antisémitisme versus antisionisme" ou sur la question de "l’importation du conflit" semblent avoir perdu de leur pertinence. On assiste à la fusion pure et simple des deux haines, haine d’Israël et haine des Juifs. 

Pour documenter ce phénomène, nous avons reproduit notre dispositif d’enquête exceptionnel. Exceptionnel par sa taille : nous avons conduit l’enquête parallèlement auprès de deux échantillons spécifiques – Répondants de confession ou culture musulmane, Répondants de confession ou culture juive – et auprès d’un échantillon global de 2000 personnes, représentatif de la population française dans son ensemble en fonction de la zone géographique d’habitation, de critères socio-économiques, des affinités politiques ou encore en fonction des sources privilégiées d’information. 

Les principaux enseignements de l’édition 2024 :

  • La haine d’Israël est la première cause perçue de l’antisémitisme

En 2022, la haine d’Israël était déjà identifiée par les sondés des deux échantillons comme étant la principale cause de l’antisémitisme. Si cette raison est toujours citée par un tiers des Français en premier, elle l’est à présent par pratiquement une personne de confession juive sur deux (49%, + 14 points) et 73% au total (en prenant en compte la première et la deuxième cause citée). Les idées islamistes sont également largement avancées dans les deux échantillons.

  • Une jeunesse un peu plus perméable à la légitimation d’actes antisémites sur fond d’évolution générationnelle dans le rapport à Israël

La recrudescence d'incidents antisémites sur les campus, tant en Amérique du Nord qu'en Europe, soulève des interrogations quant à l'existence, en Occident, d'une fraction de la jeunesse qui, bien que se revendiquant "antisioniste", pourrait en réalité véhiculer des idées antisémites. Dans le cadre de cette étude, nous avons demandé aux Français d’indiquer selon eux quel groupe ethnique ou religieux était le plus largement victimes d’actes violents en France. 52% des sondés indiquent qu’il s’agit des Juifs (50%), devant les Musulmans (19%), les Catholiques (15%), les Noir s (10%) et les Roms (4%). L’analyse des résultats en fonction de l’âge du répondant met en lumière un effet générationnel majeur. Si 76% des plus de 75 ans citent les Juifs, cette proportion n’est plus que de 27% chez les moins de 25 ans et la baisse est linéaire avec l’âge.

  • Antisémitisme chez les musulmans : Préjugés en hausse au sein d'une population diverse dans ses relations avec les Juifs

Les résultats de l'étude révèlent une augmentation des préjugés antisémites parmi la population musulmane. On observe une progression significative sur quatre affirmations à caractère antisémite : "les Juifs ont trop de pouvoir dans le domaine des médias" (59% d’adhésion, + 5 points par rapport à 2022), "les Juifs ont trop de pouvoir dans le domaine de la politique" (55%, + 13 points), "les Juifs utilisent aujourd’hui leur propre statut de victime du génocide nazi" (56%, + 14 points) et "les Juifs sont responsables de nombreuses crises économiques" (34%, + 10 points). 

  • Un quart des Français juifs indiquent avoir subi un acte antisémite depuis le 7 octobre. Les Français juifs vivent dans la peur. 

86% des sondés affirment ainsi craindre davantage depuis le 7 octobre d’être victime d’un acte antisémite. En outre, 56% déclarent ressentir cette peur de manière très prononcée. 44% des personnes portant des signes religieux distinctifs indiquent avoir arrêté de les porter depuis le 7 octobre dans les espaces publics. Une personne sur cinq a retiré sa Mezuza, devant la porte de son domicile. 16% des sondés affirment même avoir changé leur nom sur les applications de livraison, par peur que leur patronyme ne trahisse leur identité ou leur religion et conduise à une agression.

25% des Français juifs indiquent avoir été victimes d’un acte antisémite depuis le 7 octobre et ils sont même 12% à dire que cela s’est produit à plusieurs reprises. Ce chiffre monte à 36% pour les personnes qui portent systématiquement ou régulièrement des signes religieux distinctifs et 37% pour les moins de 25 ans. Cela indique que le nombre d’actes antisémites réels est vraisemblablement bien supérieur aux 1676 incidents officiellement enregistrés par le ministère de l’intérieur et le SPCJ. Chiffre qui repose principalement sur le dépôt de plainte. Or, ceux-ci sont rares (86% des victimes disent ne pas déposer plainte). Ces agressions se produisent fréquemment dans des situations où les tensions politiques au Proche-Orient servent de prétexte, ou tout du moins, mènent à des échanges menaçants ou à des actes de violence. A cet égard, on notera que 61% des personnes juives indiquent qu’elles ont souvent ou de temps en temps le sentiment d’être accusées ou rendues responsables des actions du gouvernement israélien.

            CP                   Analyse

 

Contact presse AJCValérie Maupas

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